Selon Christian OUSSEINE « la capoeira est un puissant vecteur de cohésion sociale »

Née dans la clandestinité, la Capoeira est un art martial afro-brésilien qui aurait ses racines dans les techniques de combat et les danses des peuples africains du temps de l'esclavage au Brésil. Elle se distingue des autres arts martiaux par son caractère ludique et acrobatique. Les pieds sont très largement mis à contribution durant le combat bien que d'autres parties du corps puissent être employées telles que les mains, la tête, les genoux et les coudes. La Capoeira exprimerait une forme de rébellion contre la société esclavagiste. Les premiers capoeiristes s'entraînaient à lutter en cachant leur art martial sous l'apparence d'un jeu. Aussi quand les maîtres approchaient, le caractère martial était déguisé par la musique et les chants. Christian OUSSEINE  Président de la Fédération centrafricaine de capoeira a bien voulu recevoir l'Hirondelle pour nous édifier sur les valeurs véhiculées par ce sport et son actualité en République centrafricaine.


LHRD : Quand fut créée votre Fédération ?

CO : notre Fédération fut créée le 19 février 2017. J’avais appris cet art martial en RDC dans le camp des réfugiés centrafricains. Je suis rentré à Bangui le 1er janvier 2015. J’ai commencé à donner des cours à Bimbo et à Pétévo. J’avais trois amis qui sont également rentrés du camp et qui avaient aussi appris la capoeira en RDC. Ensemble on a eu l’idée de créer des écoles de capoeira dans les 8 arrondissements de Bangui.

LHRD : Qu’est ce que la capoeira ?

CO : La capoeira naît dans des périodes troubles.  Créée dans le contexte esclavagiste au Brésil. C’étaient des esclaves brésiliens qui ont commencé cette lutte traditionnelle mélangée d'acrobaties et au rythme des tam-tam. La capoeira a des racines africaines. A la base la capoeira était interdite par les maîtres esclavagistes. Car cela prenait une allure de combat, un aspect belliqueux pour peut-être in fine se révolter. Les esclaves africains ont eu l’idée de se révolter et ont fui en brousse vers des refuges appelés Quilombos. De là-bas ils ont formé leur village libre et ont milité pour qu’on leur rende leur liberté. A la longue ils ont pris part avec les Brésiliens à un combat contre des assaillants qui voulaient envahir le Brésil. Ils ont gagné et on a reconnu leur art comme patrimoine du Brésil. Et ils ont eu l’opportunité de pratiquer leur art. Cet art martial est très violent. Notre Fédération fait partie de l'’association ABADA CAPOEIRA avec Mestre CAMISA ROSA. 

LHRD : Comment a évolué la capoeira depuis le Xxème siècle ?

CO : Au début du Xxème siècle la capoeira a gagné de plus en plus de popularité, elle se démocratisa et gagna en respectabilité. Elle fut soutenue par de nombreux artistes, penseurs et hommes publics brésiliens qui commencèrent à émettre la possibilité d'en faire une des nombreuses manifestations populaires et culturelles brésiliennes reconnues nationalement. Je précise que depuis le 26 novembre 2014 la roda (ronde) de capoeira a été déclarée patrimoine immatériel de l'Humanité par l'UNESCO.

LHRD : Que signifie ABADA CAPOEIRA ?

CO : C’est un acronyme qui signifie Association Brésilienne d’Appui au Développement de l’Art Capoeira qui est représentée dans 80 pays à travers le monde. La République centrafricaine en fait désormais partie. La Capoeira a permis de lutter contre la délinquance, la drogue, le chômage dans les favelas au Brésil. La Capoeira a créé du lien social et de l’emploi car les jeunes encadreurs sont payés par la Fédération.  Et cela pourrait inspirer la République centrafricaine.

LHRD : Les Professeurs PELEZINHO et Mestre COBRA vont venir à Bangui. Pouvez-vous nous en dire plus ?

CO : L'UNHCR en RDC a sollicité l’Association ABADA CAPOEIRA CONGO pour venir donner des cours dans le camp où nous étions réfugiés. On est parti à Kinshasa participer à la Batizado (Baptême) où on attribue des ceintures de niveau (ce sont des cordes de couleur). On a fait connaissance avec les Professeurs PELEZINHO et CASHORAO. Ils nous ont donné des cordes de couleur orange niveau 5. On est rentré à Bangui et nous avons pu devenir encadreurs. Mestre COBRA et Professeur PELEZINHO vont descendre à Bangui pour organiser une Batizado qui aura lieu du 3 au 8 septembre 2018 au Palais Omnisports. J’encourage tous mes Concitoyens à venir nombreux pour découvrir ce sport. Notre pays est plongé dans une crise confessionnelle qui crée des divisions au sein des communautés. Nous avons mis en place un projet dénommé « Capoeira pour la Paix et la Cohésion sociale » permettant de créer des écoles de la capoeira dans les écoles des 8 arrondissements de Bangui et permettant aux Jeunes Centrafricains d’interagir.

LHRD : Qu'est ce que le Batizado ?

CO : Le Batizado ou Baptême en portugais c'est le passage de grade. Il clôt généralement une semaine de stage ou moins avec l'intervention de personnes gradées venues de tout le globe. Un Mestre doit être présent. Entre chaque niveau il y a de petits spectacles de danse, de chants, de musique préparés par les élèves ou des démonstrations de capoeira avec les professeurs instructeurs. Les élèves sont appelés par leur nom de capoeira (apelido).  Ensuite un par un ils jouent avec l'un des professeurs jusqu'à être le plus souvent mis à terre afin d'être intrônisés dans le monde de la capoeira et aussi recevoir leur première corde. Une fois que tout le monde de même niveau est passé, les élèves jouent entre eux. Puis on leur remet leur corde équivalente par analogie à une ceinture dans d'autres arts martiaux. 

LHRD : quels sont les instruments de musique utilisés en capoeira ?

CO : 3 berimbau, 2 pandeiro, 1 atabaque, 1 agogo

LHRD : Quelle est la philosophie de celui qui pratique la capoeira ?

CO : Le partage, l’amour de son prochain, la maîtrise de soi, la créativité, l’oreille musicale. Il doit être combatif et être débordant d’énergie. On pratique la Roda, on se met en rond symbole de partage et d’égalité et nous entonnons notre chant fraternel «  Capoeira pour la Paix, la Cohabitation, l’Amour, le Respect de l’Autre et la Maîtrise de Soi ».

LHRD : Quelles sont les perspectives de votre Fédération ?

CO : Le Président de l’ABADA CAPOEIRA INTERNATIONAL, Mestre CAMISA ROSA basé à Rio de Janeiro au Brésil, pilote des projets sociaux à destination des Jeunes désoeuvrés pour guérir les traumatismes issus des conflits.  La capoeira initie ses pratiquants à la culture brésilienne et à la langue portugaise et tisse des relations intercontinentales entre les maîtres de capoeira visitant leurs écoles à l'étranger et les élèves partant au Brésil dans un voyage à la rencontre de la culture brésilienne et de leurs camarades capoeiristes. Au niveau international la discipline de la capoeira est majoritairement organisée en groupes eux-mêmes composés d'académies et d'écoles. 

LHRD : Quel est votre message à l’endroit des Autorités centrafricaines ?

CO : J’exhorte le Chef de l’Etat, Professeur TOUADERA à se rapprocher du Brésil via notre sport. C’est ce que l’on appelle la diplomatie du sport. Le Brésil a beaucoup à offrir à la République centrafricaine. A notre niveau, nous entendons apporter notre modeste contribution dans le rapprochement RCA-Brésil. Nous demandons le soutien des Autorités dans le développement de notre art martial vecteur de cohésion sociale. Je rappelle que nous encadrons des enfants de la rue à la Fondation Voix du Cœur de Bangui. Enfin j’invite le Président TOUADERA à venir assister à notre Batizado en septembre prochain, qui est un beau spectacle sportif et musical, symbole de la fraternité brésilo-centrafricaine. Si les personnes sont intéressés pour nous contacter afin de découvrir la capoeira ils peuvent appeler les numéros suivants : 72548533 et 75059974.

Interview réalisée par Isabelle KESSEL

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